Mes citations
Cette nuit-là elle rêva. Elle entendit la terre pleurer. À l'aube elle écouta l'appel claironnant de la ville. Des rues qui attendaient ses pas. Des portes à ouvrir, des livres à lire, sa vie telle qu'elle l'avait vécue. Et toutes ces journées à traverser, les journées interminables, les nuits, les pièces silencieuses. Il n'y avait pas d’Éden, il n'y en aurait pas, pas d'élan flamboyant, pas de métamorphose. Rien que du temps, et des tâches allégées par le souvenir de l'amour, et des jours comme tous les autres où elle mettrait un pied devant l'autre et poursuivrait sa route, obéissant au destin.
La simple vue d'un livre sur la console du couloir ou sur sa table de chevet, le nom de l'auteur ou le titre sur la tranche, le souvenir d'un personnage – ses épreuves, son malheur – la détachaient du temps ordinaire, provoquaient en elle un sentiment fort, un sentiment d'entente avec l'auteur en question.
Tess raconta tout à son amie : la mère morte, la s½ur morte, l'enfance, l'homme. Dit à voix haute cela ne parut pas si terrible. Il lui arriva même de rire. Ce n'était pas drôle, non, mais ce n'était pas tragique non plus.
Mais pas une seule fois dans sa vie elle n'avait eu une once de courage. Elle avait cherché, systématiquement, une validation tacite à chacun de ses actes – comme privée de volonté propre, comme si un père ou une mère, ou Dieu en personne était assis en permanence sur son épaule droite, exerçait l'ascendant sur ses pensées et ses décisions. Et lorsque la validation n'avait pas été obtenue, ou qu'elle allait lui être refusée, elle se réfugiait dans sa placide passivité.
La compagnie des autres lui laissait une impression de solitude et même, parfois, de danger.