Kinderzimmer, la chambre des bébés. Un titre trompeur - et une couverture trompeuse aussi ! Sérieusement, d'où peut-bien sortir l'esprit dérangé qui a pondu cette illustration ?!(1)

Mais reprenons. Un titre, disais-je, insolemment trompeur, pour un roman incisif, coup de poing, qui fait mal à l'âme. Le style narratif est dépouillé. Les phrases courtes, souvent redondantes retranscrivent le rythme lancinant du camp, les sentiments qui s'engourdissent, se répètent, disparaissent pour revenir de plus belle, en une marée macabre. Incompréhension, peur, espoir, fatalisme... Tout comme les partitions de Mila transmettent des messages, les mots de Valentine chantent des sensations.

Plus qu'un roman à vrai dire, elle nous livre sans exagération, ni fausse pudeur, un véritable témoignage. Certains l'ont trouvé trash, il m'a paru vivant. Les descriptions acerbes des odeurs et des douleurs ramènent à la réalité. Soudain les images prennent vie, les visages squelettiques des livres d'Histoire deviennent des humains, qui luttent, qui espèrent ou qui abandonnent... Des humains qui s'entraident, des humains qui épouillent, dépouillent, se dépouillent. Mais des humains, qui vivent, malgré tout.

Paradoxalement, tout en ayant eu envie de fuir le récit tout au long de ma lecture, je n'ai jamais réussi à m'en détacher. Lu (presque) d'une traite, fini au milieu de la nuit, incapable d'en détacher les yeux malgré la fatigue, je me suis laissée totalement envahir. Douloureux, violent, poignant, ce livre fait pour moi partie des indispensables au devoir de mémoire.

Et pour finir, si vous aviez besoin d'un gage de qualité supplémentaire, la citation de Sorj Chalandon dans les remerciements devrait faire l'affaire ! Mais bon, je ne suis peut-être pas objective sur ce dernier point !

(1)
- Hey Gérard, il nous faut une illustration pour un bouquin, la pouponnière ça s'appelle, ou un truc comme ça.
- Attend bouge pas, j'ai pile ce qu'il te faut, un berceau d'osier dans un pré venteux, c'est tip-top non ?
- Yeah, parfait. J'achète !
- Super Hubert... Mais au fait, il parle de quoi ton bouquin ?
- J'en sais rien du tout, pourquoi, ça change quelque chose ?
- Nan nan, j'disais juste ça pour causer...